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Transcription
L’étude IFCT-1002 BIOCAST est une étude qui s’intéresse au cancer bronchique chez les non-fumeurs. Les non-fumeurs est une catégorie un peu particulière, elle est très bien définie, ce sont des gens qui ont fumé moins de 100 cigarettes au cours de toute leur vie.
Le cancer du poumon est essentiellement lié au tabagisme actif néanmoins il peut subvenir dans un certain nombre de cas chez des patients qui n’ont jamais fumé au cours de leur vie. On estime qu’il y a environ 15% de patients en Europe qui ont un cancer du poumon et qui n’ont jamais fumé. C’est une proportion qui est probablement un peu en augmentation, particulièrement en France où on a l’impression qu’elle augmente sensiblement. C’est une population qui est très particulière, ce sont essentiellement des femmes un peu plus âgées. Au niveau mondial, on sait que ce sont surtout des femmes asiatiques qui sont touchées avec, en Asie du Sud-Est, une prévalence à près de 30%, c’est-à-dire qu’un cancer du poumon sur 3 chez les femmes en Asie du Sud-Est survient chez les non-fumeuses ce qui est un vrai problème de santé publique. On sait aussi que ce sont des cancers qui présentent plus volontiers, plus facilement, des mutations oncogéniques, qui sont des anomalies que l’on va retrouver dans le cancer du poumon et qui vont nous permettre de délivrer un traitement personnalisé. On a en effet développé des molécules qui vont venir cibler ces altérations, c’est ce que l’on appelle les thérapies ciblées et qui vont être particulièrement efficaces dans ce contexte. Ceci étant dit, le cancer bronchique du non-fumeur étant une entité vraiment à part entière, on a voulu à l’IFCT s’y intéresser particulièrement et on a donc initié l’étude BIOCAST qui est une étude académique promue par l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique, l’IFCT. Il s’agit d’une étude de cohorte multicentrique nationale : 75 centres participants dans toute la France qui ont permis de recruter 384 patients non-fumeurs avec un cancer du poumon. Il s’agit d’une des cohortes les plus importantes à l’échelle mondiale et la plus importante actuellement à l’échelle européenne. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a pu regarder deux choses chez ces patients-là :
- On leur a posé un questionnaire très exhaustif, il y avait 17 pages de questionnaire, on a regardé des facteurs de risques pour essayer de mieux comprendre quels étaient les risques auxquels ces patients avaient été exposés et qui auraient pu déclencher ce cancer du poumon.
- On a par ailleurs collecté des données médicales, on a notamment regardé quels étaient les résultats de ces fameuses analyses moléculaires et puis on a collecté également du sang à ces patients pour nous permettre d’avancer dans ce domaine.
En premier lieu, sur la partie descriptive concernant nos 384 patients non-fumeurs atteints de cancer du poumon, on a tiré des éléments vraiment très importants.
- Le premier élément est que 2/3 des patients de la cohorte sont exposés de manière intense au tabagisme passif. C’est un facteur de risque qui est parfaitement reconnu : le Centre International de Recherche sur le Cancer catégorise le tabagisme passif comme étant un oncogène reconnu. Lorsque l’on regarde selon le sexe, ce sont majoritairement les femmes qui sont exposées au tabagisme passif, bien souvent au tabagisme passif domestique plus qu’au tabagisme passif professionnel qui finalement est assez peu important et on voit qu’elles sont exposées assez longtemps. On a également une proportion très substantielle de la cohorte qui a été exposée au tabagisme passif dès l’enfance ce qui est plus grave. Le 1er enseignement est donc une grande exposition au tabagisme passif chez les patients de la cohorte.
- Le deuxième enseignement est le fait qu’il y ait une exposition aux cancérogènes professionnels qui est également assez importante dans cette cohorte. Le Centre International de Recherche sur le cancer nous le dit bien : les cancers du poumon sont une des premières localisations de cancer professionnel. On connait tous l’amiante, un peu moins d’autres cancérogènes, il y en a beaucoup en réalité comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, la silice, le chrome, le diesel dont on a attendu parler il y a pas longtemps. Dans la cohorte BIOCAST, on s’est rendu compte que chez les hommes, un tiers d’entre eux étaient exposés de manière certaine à un cancérogène professionnel. Ceci est particulièrement important car cela permet aux cliniciens, face à un homme non-fumeur, d’aller vraiment traquer cette exposition qui a deux intérêts : un intérêt explicatif pour le patient et puis aussi un intérêt social puisque l’exposition professionnelle peut être indemnisée donc c’est important pour le patient de le savoir. Ceci a aussi un intérêt évidemment épidémiologique pour permettre finalement dans l’avenir de mieux prévenir les cancers professionnels.
Le deuxième point qui est absolument majeur dans cette étude est que l’on s’est rendu compte que près de ¾ des patients ont une mutation ciblable qui nous permet de délivrer un traitement personnalisé. Il est donc très important de bien identifier le patient pour rechercher en détail ses mutations afin de lui donner un traitement plus actif. Parmi ces mutations, la plus importante est la mutation EGFR, pour laquelle il y a beaucoup de traitements qui sont disponibles, et qui est présente chez 1 patient non-fumeur sur 2. Ceci est particulièrement important et c’est pourquoi on a vraiment attiré l’attention des cliniciens sur le fait qu’il fallait bien reconnaitre ces patients non-fumeurs pour traquer cette mutation parce que cela a un intérêt pratique et thérapeutique immédiat.
Concernant le profil entre l’exposition aux facteurs de risques et le profil mutationnel (avec une première publication sur l’exposition au tabagisme passif), on s’est rendu compte que l’exposition au tabagisme passif ne venait pas moduler, ne venait pas impacter le profil de mutation. Un deuxième point très intéressant qu’on a publié il y a tout juste un mois et qui s’intéresse cette fois-ci à l’exposition aux cancérigènes professionnels est le profil de mutation : chez les patients qui ont eu une exposition à l’amiante, le risque de présenter une mutation EGFR est beaucoup moins importante. On va en revanche retrouver d’autres mutations qu’on appelle HER2. De plus, on s’est rendu compte que les expositions aux autres cancérogènes professionnels donnaient finalement des profils un peu inhabituels. Pour l’instant, on ne peut pas en tirer de conclusions en clinique mais cela nous donne des pistes tout à fait importantes pour la recherche dans l’avenir.
Enfin le troisième enseignement sur la cohorte concerne le travail réalisé autour des échantillons biologiques qu’on avait pu prélever, c’est-à-dire le sang prélevé chez les patients. On a pu réaliser un travail en collaboration avec le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui visait finalement à essayer de détecter ces fameuses mutations dans le sang. Ceci est un changement de paradigme tout à fait important parce qu’en réalité ces mutations sont détectées le plus souvent dans la biopsie, qui est un geste invasif, douloureux, pas forcément très agréable, difficile à répéter. Ici l’idée est de détecter directement ces mutations par une simple prise de sang, c’est ce que l’on appelle la biopsie liquide qui aujourd’hui est une thématique de recherche particulièrement majeure. L’étude BIOCAST est la première étude qui a permis de montrer qu’il était possible de les détecter de manière très large avec ce que l’on appelle le séquençage de nouvelle génération. C’est une publication qui a fait date et qui a permis justement beaucoup d’avancées sur les biopsies liquides.
En synthèse, l’étude BIOCAST est une étude académique qui a permis d’étudier les cancers bronchiques survenant chez des personnes qui n’avaient jamais fumé au cours de leur vie. C’est une étude qui a permis de mieux considérer cette population, de montrer qu’il était très important de bien la définir pour rechercher les altérations moléculaires qui permettent de cibler véritablement le traitement. Cette étude nous a apporté des connaissances sur les mécanismes oncogéniques chez ces patients et a permis des avancées dans le domaine de la biopsie liquide.
Dernière modification le mercredi, 18 juillet 2018 11:55
- Le premier élément est que 2/3 des patients de la cohorte sont exposés de manière intense au tabagisme passif. C’est un facteur de risque qui est parfaitement reconnu : le Centre International de Recherche sur le Cancer catégorise le tabagisme passif comme étant un oncogène reconnu. Lorsque l’on regarde selon le sexe, ce sont majoritairement les femmes qui sont exposées au tabagisme passif, bien souvent au tabagisme passif domestique plus qu’au tabagisme passif professionnel qui finalement est assez peu important et on voit qu’elles sont exposées assez longtemps. On a également une proportion très substantielle de la cohorte qui a été exposée au tabagisme passif dès l’enfance ce qui est plus grave. Le 1er enseignement est donc une grande exposition au tabagisme passif chez les patients de la cohorte.
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